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La légende de Jadranko

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans un village de Tanzanie situé sur les rives du lac Malawi, assis autour du feu de camp, les anciens contaient aux plus jeunes la légende de Jadranko, qu’ils tenaient eux-mêmes de leurs ancêtres.

 

 

 

***

 

 

 

En des temps reculés s’étendait, sur des milliers de kilomètres, une prairie de hautes herbes, parsemée d’arbres, nommée Jadranko. Une mixité d’animaux de la savane se partageait le territoire. Parmi eux, un couple de mngwas : Kandjar et Marjani.

 

 

Grands félins au pelage rayé gris et blanc, ils se nourrissaient de chair humaine. La femelle préférait la carne d’enfants – plus tendre à son goût –, le mâle, celle des adultes. Marjani demeurait au foyer tandis que Kandjar partait chasser. Il ne revenait jamais bredouille.

 

 

Chaque jour, la région comptait deux disparus de plus. Bien qu’armés jusqu’aux dents, les habitants ne réussissaient pas à attraper le carnassier qui courait plus vite qu’un guépard. Impuissantes, les familles pleuraient leurs morts. Dans les cimetières, pas de cercueil. Uniquement des croix sur lesquelles figuraient le nom du défunt, ses dates de naissance et de décès.

 

 

— Ça ne peut plus durer ! se rebella un jour Anjali, la femme de Midokou, le chef de l’un des villages.

— Nous avons tout essayé, répondit son mari.

— Il doit y avoir une solution à laquelle personne n’a pensé.

— Trouve-la, puisque tu es plus futée que les autres !

 

 

Anjali lança un regard de travers à son époux. Ah, il ne la croyait pas capable de concevoir une idée pour se débarrasser du prédateur ! Eh bien, il allait voir !

 

 

Durant des jours, elle se creusa la tête. Puis, un matin, elle s’écria :

 

 

— J’ai trouvé !

 

 

Elle réunit la population, exposa son plan. Les femmes se mirent aussitôt au travail. Une semaine plus tard, elles avaient confectionné un immense filet, suffisamment résistant pour ne pas craquer sous le poids du mngwa. Les hommes l’installèrent en hauteur à l’entrée du village. Dissimulés dans et derrière les arbres, ils montèrent la garde à plusieurs, se relayant toutes les quatre heures.

 

 

La cloche de l’école venait de retentir lorsque les guetteurs aperçurent Kandjar. Il avançait d’une démarche agile, les yeux perçants, la bouche spumescente, les crocs prêts à saisir le premier humain qu’il croiserait.

 

 

— Maintenant ! cria l’une des vigies.

 

 

Le filet s’abattit sur le félin. Les hommes cachés derrière les arbres se précipitèrent, suivis des sentinelles perchées sur les branches. Kandjar se débattait, montrait les dents. Il réussit à mordre plusieurs bras ou jambes. Excité par la vue du sang, par l’odeur de la chair, il luttait pour s’extraire du piège.

 

 

Prévenue par l’un des gardes, Anjali arriva aussi vite que possible, un arc à la main. Elle ajusta son tir. Lâcha une flèche empoisonnée. Celle-ci atteignit l’animal qui s’affaissa. Avec prudence, la femme de Midokou s’approcha. Sans doute ne se méfia-t-elle pas assez car Kandjar bondit et, à travers le filet, l’attrapa à la gorge. Puis il s’écroula, terrassé par l’inee. (1)

 

 

Pendant ce temps, Anjali perdait son sang. Le médecin du village ne put rien pour elle.

 

 

Malgré son chagrin, Midokou organisa un banquet au cours duquel le mngwa fut dégusté sous forme de méchoui.

 

 

Toutefois, l’histoire ne s’arrêta pas là. Marjani, en période de gestation au moment de la mort de Kandjar, mit bas trois petits. Elle partit chasser pour les nourrir, ne s’attaquant qu’aux enfants.

 

 

Les habitants fabriquèrent alors un nouveau filet. Guettèrent la femelle et lui firent subir le même sort qu’à son mâle. Ses bébés moururent de faim.

 

 

Ainsi disparut la lignée des mngwas.

 

 

 

 

 

 

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(1) L’inee, ou onaye, est un poison utilisé en Afrique.

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous droits d’auteur réservés

©Jocelyne B.

28 octobre 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

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Légende inspirée par la créature Le mngwa

Issu des légendes d’Afrique, le mngwa est décrit comme un grand félin à la fourrure rayée. Il serait agressif, s’attaquerait aux humains – aussi bien aux enfants qu’aux adultes –, égorgerait ses victimes, voire les dévorerait.

 

 

 



21/11/2023
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