coeurdescorpionne

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La légende de Deeroakee

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Oklahoma, dans des temps reculés, s’étendait la forêt de Deeroakee où serpentait la rivière Laugh. Afin de nourrir sa famille – son épouse Ashka et leurs quatre enfants –, Ashmuck chassait et pêchait à l’arc. Camouflé sous des vêtements aux teintes forestières, doté d’une patience angélique, il attendait, parfois pendant des heures, le gibier ou le poisson. Il ne rentrait jamais bredouille chez lui, une hutte construite à partir de bois, feuillages, ou autres matériaux récupérés alentour, agglomérés entre eux au moyen de torchis.

 

 

Ce jour-là, dissimulé dans la forêt de feuillus, le sans-le-sou guettait sa future pitance quand une jeune femme surgit de nulle part. De longs cheveux aux reflets d’or flottaient dans son dos ; une robe aux couleurs champêtres couvrait son corps des épaules aux orteils.

 

 

Un timide psitt émana de sa bouche tandis que, d’un signe de la main, elle invitait le brave trentenaire à la suivre. Intrigué, en même temps qu’hypnotisé, Ashmuck s’attacha à ses pas. L’humeur badine, l’inconnue sautillait, disparaissait derrière un arbre, réapparaissait. Tel un giboyeur à la poursuite de sa proie, le manieur d’arc demeurait à ses trousses. Ils jouèrent ainsi à cache-cache jusqu’à une clairière nappée de soleil, tapissée de fleurs sauvages versicolores.

 

 

Le souffle coupé par la beauté du paysage, le purotin (1) admira en silence. Puis la jeune femme mit sa main dans la sienne, l’entraîna au milieu de la sommière (2), l’invita à s’étendre. Il se délesta de son arc, ainsi que de son carquois, et se plia à sa requête. Lorsqu’il fut allongé, elle s’assit à califourchon sur lui. Bien que frêle, elle possédait une force insoupçonnable. De ce fait, Ashmuck ne pouvait bouger.

 

 

— Tu ne devras parler à personne de notre rencontre, exigea la jolie créature.

— C’est promis.

 

 

En son for intérieur, le chasseur se maudissait de sa jobardise (3). Mais comment aurait-il pu imaginer que d’aussi charmants atouts masquaient une femme redoutable ?

 

 

— Que me veux-tu ? demanda-t-il, le ton le plus ferme possible.

— Rien de déplaisant. Mais, avant de te le dire, je veux connaître ton nom.

 

 

L’inconnue plongea son regard dans celui de son captif. Celui-ci remarqua alors la couleur de ses yeux : marron. Une teinte somme toute ordinaire.

 

 

— Ashmuck. Et le tien ?

— Moa. Maintenant que les présentations sont faites, je vais te confier ce que je veux : faire l’amour avec toi.

— Je ne peux pas, je suis marié.

— Ce n’est pas un obstacle pour moi. Ce qui compte, c’est que tu me plaises.

 

 

Sans plus de palabre, Moa retira ses chausses (4) à son otage, puis sa braie (5). Il ne tenta même pas de s’enfuir. De son côté, elle resta habillée. De toute façon, elle ne portait pas de sous-vêtements.

 

 

Elle reprit sa position à califourchon, pencha son buste vers le visage d’Asmuck, et colla sa bouche contre la sienne, l’obligeant à entrouvrir les lèvres pour ne pas suffoquer. À l’instant où leurs langues se rencontrèrent, le bon diable perdit le contrôle de son corps. Il embrassa Moa jusqu’à ne plus pouvoir respirer ; il sentit le désir le submerger, son membre se raidir. La jeune femme le fit entrer en elle. Puis elle exerça des va-et-vient le long de la verge dressée. Les halètements de Moa et d’Ashmuck rimèrent ensemble. Des bramements de plaisir se diffusèrent dans la paisible clairière. Enfin, les amants communièrent en harmonie.

 

 

Leur divertissement charnel terminé, ils se désunirent. Moa sauta en pied (6). À ce moment-là, l’infortuné aperçut deux sabots de biche. En un fragment de seconde, Moa se métamorphosa en cervidé. Les yeux par trop agrandis de saisissement, Asmuck fixa en silence son étrange maîtresse. Il crut entrevoir une larme perler sur son museau.

 

 

— Je suis la femme-biche, précisa celle-ci, la voix triste. Tu n’aurais jamais dû voir mes sabots. C’est pour ne pas les montrer que je portais cette longue robe. Maintenant que tu les as vus, je suis condamnée à vivre sous l’apparence d’une biche.

 

 

Là-dessus, l’animal s’éloigna en direction de la forêt. Ashmuck cuida (7) entendre des sanglots.

 

 

 

Après cet événement, dès qu’il croisait une biche, le chasseur se demandait s’il s’agissait de Moa. Il conserva son secret jusqu’à sa mort.

 

 

 

 

 

 

 

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(1) Homme dans la misère

 (2) Synonyme de clairière

(3) Crédulité excessive

(4) Une chausse est un élément vestimentaire des hommes,

couvrant les jambes comme des bas. Les chausses se portent par paire.

(5) Slip d’autrefois

(6) Se lever brusquement (expression désuète)

(7) Cuider (verbe désuet) est un synonyme de croire

 

 

 

 

Tous droits d’auteur réservés

©Jocelyne B.

20 novembre 2023

 

 

 

 

 

 

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Source d’illustration pour la couverture :

Deer woman Midjourney - Femme biche — Wikipédia (wikipedia.org)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Légence inspirée par la créature la femme-biche

(Dans la mythologie américaine, la femme-biche est une créature qui a les traits d’une femme, avec des  yeux marron et des sabots de biche à la place des pieds.)

 

 

 

 



21/11/2023
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