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La légende de Fidéaki

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Êtres bienfaisants et malfaisants se partageaient l’immense forêt de Fidéaki, située en Finlande. Autoproclamée reine des lieux, Ajatar impressionnait le peuple. D’un âge indéfinissable, elle arborait une longue chevelure terre d’ombre, un menaçant visage émacié, de terrifiants yeux phosphorescents. Sous une cape noire – sur laquelle s’enroulait Lark, un interminable serpent –, un corps desséché. Il se racontait qu’elle allaitait le reptile une fois par jour.

 

 

Ajatar exigeait des offrandes de ses sujets. Chaque matin, ils devaient déposer nourriture et boissons devant sa porte. Gare à celui qui oubliait ! Il devenait la victime du squamate (1). Selon son humeur, Lark étouffait le malheureux, ou l’ingérait directement, ou lui inoculait son venin mortel. Ajatar jouissait du spectacle avec délectation.

 

 

La souffrance des autres gouvernait la vile démone. Aussi, dès la moindre contrariété, ou par simple plaisir jubilatoire, elle n’hésitait pas à infliger une épreuve plus ou moins cruelle. À titre d’exemple, citons celle que subissait toute personne qui osait affronter son regard. Ajatar infectait alors son organisme d’une maladie à l’issue fatale. L’individu contaminé succombait en peu de temps ou s’éteignait à petit feu, dans d’atroces douleurs physiques. De ce fait, chacun évitait de fixer les yeux de l’inhumaine créature et marchait tête baissée sitôt qu’il se trouvait en sa présence.

 

 

La légende raconte qu’à certaines périodes de l’année, Ajatar se transformait en une ravissante femme. Elle ensorcelait alors un homme – beau, de préférence –, l’attirait dans son lit, se vautrait avec lui dans la luxure. Puis, dès potron-jacquet (2), elle reprenait sa silhouette initiale. Pétri de honte de s’être fait berner, son amant d’une nuit se noyait dans le lac Méïjis. Les mauvaises langues prétendaient qu’Ajatar l’y incitait par le biais de l’hypnose.

 

 

Parfois, l’ignoble démone poussait ses sujets à s’assassiner entre eux. Elle leur fournissait un faux motif – par exemple, un tel encornait tel autre. Désireux de laver son honneur, le second provoquait le premier en duel à la dague. Ajatar leur procurait les armes blanches. Sitôt leur chair entaillée, les deux adversaires s’écroulaient, occis par la Grande Faucheuse. Dans son immensurable noirceur d’âme, Ajatar avait recouvert de poison la lame des poignards.

 

 

Étonnamment, elle ne s’en prenait jamais aux enfants. Toutefois, elle ne se contentait pas de persécuter les humains ; elle s’attaquait également aux animaux. Elle ordonnait à son serpent de s’accoupler avec une femelle d’une espèce différente, ou à Kara – la compagne de Lark – de copuler avec un mâle dissemblable. Des créatures hybrides naissaient de ces unions. Ajatar ne manquait pas de ridiculiser ces bêtes difformes en les exposant à la vue de tous. Mal nourris – ou pas du tout –, ces petits ne survivaient que peu de temps. La barbare allumait alors un grand feu et les brûlait vifs. Les parents qui manifestaient le moindre chagrin subissaient un sort identique.

 

 

La cruauté d’Ajatar semblait sans limite. Certains courageux tentèrent de la rouer de coups, de lui livrer combat. Mal leur en prit ! Lark se chargea d’eux. Après avoir puissamment craché son venin en moult jets, il étouffa chacun des agresseurs entre ses anneaux constricteurs. Pour la plus grande jubilation de sa maîtresse.

 

 

Décidément, celle-ci se montrait inexpugnable. (3)

 

 

Pourtant, une nuit, alors qu’elle dormait en toute quiétude, un incendie ravagea sa demeure. Prisonnière des flammes, elle périt avec ses deux serpents.

 

 

Selon la légende, l’idée venait des enfants. Éprouvant une profonde aversion pour le comportement abject de la démone, ils avaient décidé de mettre un terme à sa tyrannie.

 

 

La forêt recouvra sa sérénité.

 

 

Dans l’enfer des esprits maléfiques où elle séjourne désormais, Ajatar doit amèrement regretter d’avoir épargné la population enfantine de Fidéaki.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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(1) Reptile au corps recouvert d’écailles, qui change souvent de peau

(2) Expression similaire à dès potron-minet (dès l’aube, de très bonne heure)

(3) Invincible

 

 

 

 

 

 

Tous droits d’auteur réservés

©Jocelyne B.

18 novembre 2023

 

 

 

 

 

 

 

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Source d’illustration de la couverture :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ajatar#/media/Fichier:Ajatar_midjourney.png

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Légende inspirée par la créature Ajatar

(Dans la mythologie finnoise, Ajatar est une femme démoniaque, drapée de serpents, qui vit dans les forêts des montagnes de Pohjola – lieu mythique).

 

 

 



21/11/2023
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